01/07/2001
Alors que les derniers camions de bois de chablis achèvent de compléter les 300 000 tonnes de bois stockées sous aspersion à Mimizan (Landes), la CAFSA (Coopérative Agricole et Forestière du Sud-Atlantique), gestionnaire du site, a choisi le 15 juin, un an jour pour jour après le début du stockage des premiers billons, pour inaugurer cette aire unique.
Unique en effet, cette plate-forme de stockage l'est à plusieurs titres : tout d'abord pour le pari qu'elle relève, celui de stocker du pin maritime sous aspersion (une première pour cette essence) ; ensuite par sa capacité (une des seules avec Carcans à atteindre les 300 000 tonnes sur plus de 25 hectares) et enfin par sa configuration et sa gestion, puisqu'il s'agit d'une aire mutualisée (plusieurs industriels ont confié à la CAFSA leurs stocks de bois).
Petit retour en arrière...
Il aura fallu une situation exceptionnelle pour entreprendre une telle expérience.
C'est pour faire face à l'ampleur des dégâts causés sur le massif forestier Aquitain par la tempête de décembre 1999, que des solutions pour mobiliser et sauver ce bois à terre (+ de 20 millions de m3, soit l'équivalent de 3 années de récolte) devaient être rapidement trouvées. Le C.I.B.A. (Comité Interprofessionnel des Bois d'Aquitaine) a mis en place un groupe de travail sur le stockage du bois, appelé groupe de pilotage interprofessionnel tempête du 27 décembre 1999.
C'est dans ce cadre que dès le mois de janvier 2000, la Communauté de Communes de Mimizan (groupement intercommunal du nord des Landes, initiateur de Mediaforest) s'est proposée, avec le soutien du Conseil Général des Landes, d'étudier l'hypothèse de la conservation du bois par aspersion sur le cas concret d'un terrain de 26 ha classé en zone industrielle et dont elle est propriétaire. Elle s'est adjoint les compétences du Cabinet Antea à Pessac (pour les volets "Voirie" et "Ressource en Eau"). Le rapport mis en ligne en exclusivité sur mediaforest.net (voir archives février 2000), concernait une solution de stockage au maximum de 500 000 m3 en rotation. Des simulations sur 100 000 m3, 50 000 m3 et 10 000 m3 étaient également proposées. Le système hydraulique préconisé fonctionnait en circuit fermé par soucis environnemental évident (ressource en eau).
Ne souhaitant pas s'investir directement dans la construction d'une telle plate-forme, la Communauté de Communes de Mimizan s'est proposée pour accompagner, le cas échéant et dans un second temps, un porteur de projet professionnel pour mettre en place ce type de complexe. Le rapport pouvant aussi être utilisé comme cas d'école dans le cadre d'autres implantations éventuelles sur l'Aquitaine.
Après de nombreuses réunions de travail, un porteur de projet semblait tout indiqué et s'est confirmé fin avril : la CAFSA. Les travaux ont débuté en suivant sur le terrain de 26 hectares mis à disposition par la Communauté de Communes de Mimizan. Avec une capacité de stockage à terme de 300 000 tonnes de bois, ce projet est un des plus importants d'Aquitaine, puisqu'il représente le quart des 1,2 millions de m3 prévus sur 14 sites.
Un nouveau métier, un défi relevé
Le rôle prépondérant de la coopérative sur le massif gascon s'étend de la sylviculture (pépinière utra-moderne, reboisement, travaux forestiers) à l'exploitation forestière et à la mise en marché des bois (dont l'export maritime) pour le compte de ses 22 000 adhérents.
"Nous avons dû nous adapter", avoue Xavier Madamet, responsable de la plate-forme, "travailler dans l'urgence et d'une nouvelle manière, notamment par rapport au respect du cahier des charges très strict, que nous avons défini en partenariat avec les industriels. En effet les bois destinés au stockage doivent répondre à un certain nombre de critères, et faire l'objet d'un contrôle rigoureux à l'arrivée sur le site. Le but étant de rentrer un bois zéro défaut pour un stock optimum. Nous avons sept clients au total pour onze qualités de bois différentes. Il a donc été nécessaire d'ouvrir autant d'alvéoles que de produits, et de se placer toujours dans la perspective du déstockage."
Le fonctionnement général
L'exploitation du site nécessite la mobilisation de dix personnes assurée par deux équipes en relais. Chaque équipe est composée d'un peseur, d'un réceptionniste et de deux grutiers. Chacun a un rôle bien défini. Tout camion qui arrive est pesé : la traçabilité de chaque cargaison est identifiée et consignée sur une base de données informatique (tonnage, transporteur, chantier, date, nom du client, agence Cafsa...). Les livraisons doivent être conformes au cahier des charges (état sanitaire, dimension, taux d'humidité des bois). Tout camion non conforme a été refoulé.
Une attention particulière a été portée sur la teneur en eau des bois selon les directives données par le CTBA. En effet, un bois trop sec met beaucoup de temps à se saturer en eau - en général, on estime à 4 jours le délai entre l'exploitation et le début du stockage - et les risques de bleuissement et d'attaques d'insectes est élevé. Dès lors que les bois sont saturés les risques sont caduques.
Les billons sont ensuite affectés par alvéoles. Chaque alvéole correspond à 3 piles de bois d'un produit identifié (de même dimensions et de même qualité), bien alignées et d'une hauteur de 5 mètres. Le peseur et le réceptionniste guident le chauffeur pour arriver sur les piles ad hoc. Un contact permanent entre chauffeur, réceptionniste et grutier s'instaure pour éviter les allers venues intempestives et les erreurs d'affectation. Le réceptionniste va ensuite épauler le grutier lors du déchargement, en le guidant dans l'alignement des billons, point clé d'un arrosage efficace et homogène sur l'ensemble des faces. Une fois la demi-alvéole terminée, le réceptionniste va aider au placement des arroseurs assuré par la société Otech. Il a également en charge la surveillance du bon fonctionnement de l'arrosage, il peut replacer des sprinklers, nettoyer les alvéoles ou encore vidanger le système général d'approvisionnement en eau. C'est donc une personne polyvalente, comme l'ensemble du personnel qui a dû s'adapter à la demande.
Le remplissage de la plate-forme a été progressif. En effet la logistique d'approvisionnement devait concilier la mise en forme des produits (bûcheronnage), la vidange et le débardage, le chargement des camions et le routage des bois jusqu'à Mimizan. Le nombre de camions par jour tournait autour de 30 à 40. Par la suite nous avons atteint un rythme moyen de 70 à 80 camions jour dès la mi-septembre. La structure en place, à savoir la rotation des 2 équipes de 6 heures à 20 heures, à ainsi permis d'accueillir jusqu'à 97 camions sur une journée sans qu'il y ait d'attente particulière. Ainsi en 20 minutes, un camion est "traité" dont dix minutes pour le déchargement. Non seulement, le remplissage des piles et par conséquent leur mise en eau est rapide, mais les camions peuvent ainsi atteindre les 2 rotations par jour, nécessaires pour rentabiliser l'affrètement du convoi. "
La conservation sous aspersion : gestion de l'eau et contrôles réguliers
Le principe général de la conservation sous aspersion est le maintien constant du bois en eau (1) afin d'assurer une atmosphère anaérobie (absence d'oxygène), bloquant tout développement de champignons, surtout le bleuissement, et l'attaque par des insectes. La saturation en eau des bois est un moyen qui se révèle très efficace pour préserver les bois de tout agent prédateur, l'eau développant un film protecteur. Les bois arrivent à saturation au bout de 3 semaines environ. Ils arborent une couleur noirâtre, et des coulures sur les bouts, qui n'affectent en rien la qualité du bois, preuve à l'appui lors du déstockage réalisé sur des billes témoins.
En tant qu'intermédiaire (2), la Cafsa doit veiller à la qualité de l'arrosage et du taux d'humidité des piles. Des contrôles réguliers sont effectués sur l'ensemble des piles. Tous les 3 mois le CTBA vient effectuer une série de relevés, une quarantaine au total. Une moyenne arithmétique est obtenue à laquelle la Cafsa ajoute un système de notation pondérée. Au total sur un an, 2505 mesures ont été prises à l'humidimètre sur des billons arrosés depuis plus de quinze jours, selon un protocole établi et validé par le CTBA. L'indice moyen d'humidification est proche du seuil de saturation maximum indiqué par l'appareil et la note est de 20 sur 20.(3)
Et après...
Le maintien des aides
Le déstockage devait initialement débuter le mois dernier et s'étaler sur un an. Mais face à la situation de saturation sur le marché et devant une menace de déséquilibre des outils d'approvisionnement des industriels de la région, les sylviculteurs et les industriels se sont rejoints sur la nécessité de prolonger la durée du stockage. Il faut pour cela que les subventions de fonctionnement soient maintenues, ce à quoi les pouvoirs publics ont répondu positivement lors des différentes allocutions, que ce soit le Conseil Général des Landes par la voix d'Alain Vidalies son vice-président, le Conseil Régional et son vice-président Michel Larrat, et enfin l'Etat par le biais de Marie-Hélène Valente directrice du cabinet du préfet des Landes. Ils renouvellent ainsi leur soutien à une réalisation qui a démontré que l'on pouvait stocker du pin maritime sur une longue durée, ce qui rappelons-le au passage, laissait beaucoup d'acteurs du monde professionnel sceptiques... La réussite de ce projet récompense le pari pris il y a un an par ceux qui y ont cru.
Le déstockage : points techniques
Là encore, il va falloir mettre en place des outils logistiques adaptés à la situation avec un paramètre supplémentaire qui est l'augmentation du poids des billons. Chargé en eau, le bois peut gagner jusqu'à 300 kilos/tonne, ce qui implique beaucoup plus de rotation de camions et également plus de temps pour le chargement, puisqu'il s'agit d'un bois glissant, qui de surcroît va perdre son écorce. A raison de 25 tonnes par camion, le nombre de camions nécessaires sera de 12 000 pour vider les 300 000 tonnes de bois de la plate-forme. Il faudra aussi gérer le délai entre l'arrêt de l'arrosage et la transformation du bois en usine, pendant lequel le bois va se ressuyer et redevenir vulnérable. Ce sera aussi un bois qui nécessitera peut-être un temps de séchage plus long. Autant de points qu'il faudra appréhender au fur et à mesure…
Il faudra aussi que les industriels qui ont de grosses quantités de bois sur le site, ne déstabilisent pas leurs propres réseaux d'approvisionnement (bûcherons, débardeurs et transporteurs) par un déstockage trop rapide.
Le stockage de bois vert : vers une nouvelle gestion des approvisionnements ?
Au vue des éléments positifs qui ressortent sur la qualité du bois stocké sous aspersion, les industriels commencent à penser au stockage comme un moyen pour mieux gérer leurs approvisionnements en matière première. En d'autres termes, se constituer un stock de bois vert dans lequel puiser lors des tendances haussières du marché.
Mais d'autres scieurs, comme M. Labadie (Ets Labadie et Fils à Roquefort), pensent au stockage sous aspersion pour valoriser les bois de qualité : " un bois plus facile à scier, vidé de résine... ". La rotation peut alors être courte, puisque le bois est saturé en eau au bout de 3 semaines.
Les perspectives ne manquent pas, et il faudra se remettre autour de la table pour envisager les suites de cette expérience qui aura au final apporté du positif pour la filière, à commencer par les synergies entre propriétaires détenteurs de la ressource, les industriels et les mobilisateurs.
(1) : le stockage sous aspersion nécessite une grande quantité d'eau (3 à 6 m3/heure pour 1 000 m3 de bois et coûte de 50 à 100F/m3/an.
(2) : la coopérative stocke les bois pour le compte de ses adhérents, propriétaires forestiers et pour le compte d'industriels qui lui confient leurs stocks de matière première.
(3) : Une étude grandeur nature est actuellement menée par l'INRA sur la station de Pierroton, afin d'établir des observations scientifiques sur les différents modes de conservation des bois. D'une durée de 3 ans, ce programme expérimental a l'avantage de mener de front plusieurs aspects : qualité du bois, agents de dépréciation, risques environnementaux et qualité des eaux
Contact : CAFSA - 63, rue Ernest Rénan - B.P. 37 - Bordeaux Cedex - France / tél. 05 56 48 42 42 - fax 05 56 48 42 40 - www.cafsa.com
A consulter :
- rapport complet sur le stockage des bois sous aspersion.
- Voir le bilan tempête à décembre 2000 et les orientations pour 2001 - rapport CIBA.
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