20/07/2005
Le 7 juin dernier à Paris le CTBA et la Fédération nationale du bois organisaient, sous le patronage de l'ADEME et du Ministère de l'agriculture, de la pêche et de la ruralité, et avec le sponsoring de fabricants de séchoirs, le premier colloque national sur le séchage, sous-titré "choix techniques et atouts commerciaux pour les sciages français", proposant un tour d'horizon de cette question complexe et de plus en plus cruciale dans le négoce du bois.
L'événement a rassemblé 130 participants, majoritairement des professionnels (scieurs surtout) et des institutionnels. L'objectif était de relancer le débat sur le séchage du bois, un enjeu de taille sur le plan économique, puisque l'écart se creuse de plus en plus entre les producteurs qui proposent des produits séchés et ceux qui n'en proposent pas. La situation est d'ailleurs plus préoccupante pour les résineux que pour les feuillus : selon la FNB, on sèche en France environ 15% des sciages résineux, alors que les bois importés le sont à 70% pour les sciages de Scandinavie, et à 50% pour les sciages venant d'Allemagne.
Une affaire de spécialistes
Daniel Guinard, directeur général du CTBA, a profité de la rencontre pour annoncer la création d'une commission fabricants de séchoirs et utilisateurs (menuisiers, charpentiers, négociants, etc.), avec pour objectif de mieux poser, et tenter de résoudre, les problèmes liés au séchage du bois. Si, dans le passé, les utilisateurs de bois avaient pris l'habitude de sécher eux-mêmes, faute de prestation sur le marché, aujourd'hui l'offre de produits séchés est de plus en plus importante. Les importations permettent d'ailleurs de mobiliser de gros volumes. Le séchage, véritable atout commercial, est devenu le nerf de la guerre pour les ventes de bois, pour lequel la majorité des litiges sont liés aux pourcentages d'humidité non adaptés (risques de fentes, de déformations et de bleuissement). Or le séchage du bois, processus délicat, est l'affaire des spécialistes, maîtrisant à la fois la complexité du matériau et de son séchage accéléré, et la (ou les) technique(s) de séchage. Sans compter que le séchage ne prend pas fin à la sortie du séchoir : le bois peut reprendre de l'humidité dans les hangars de stockage, pendant le transport, sur le lieu même de pose
Abordant pour la première fois au niveau national cette question complexe aux multiples implications, le colloque a abordé aussi bien des questions techniques sur la pratique du séchage, ("Préséchage des sciages feuillus, alternative au séchage naturel et gage de qualité" ; "Place et développement du séchage sous vide ; "Innovations dans le séchage : des pistes à explorer") que des questions de nature économique ("Réponses aux attentes du marché des sciages résineux destinés à la charpente", "Investissements et rentabilité d'une installation de séchage", "Acheteurs et utilisateurs de sciages secs").
Maîtriser la qualité du séchage ?
Gilles Négrié, responsable produits séchage au CTBA, a ouvert la journée sur le thème de la "maîtrise de la qualité du séchage" : comment agir pour une qualité de séchage maîtrisée et reproductible ? Après un passage en revue des facteurs d'influence, qui peuvent être liés aussi bien au processus de séchage qu'à des facteurs externes tels que la finition, ou encore l'exposition ou la durée de vie, l'intervention a porté sur les étapes d'une démarche qualité en matière de séchage de bois.
Puis un zoom sur le marché des sciages résineux destinés à la charpente (RHD Productions) a conduit à constater que l'évolution de la demande et des produits devrait contribuer à une augmentation des litiges dans l'avenir. D'où l'importance cruciale du processus de séchage. Or actuellement, 90% des bois de charpente ne sont pas séchés (la demande est toutefois en augmentation régulière). Malgré une prise de conscience du besoin de bois sec, des freins importants demeurent (délai de fourniture, coût du séchage lui-même et de l'investissement matériel, nécessité de locaux de stockage, etc.).
Daniel Aléon, responsable des études et recherches séchage au CTBA, a soulevé la problématique du séchage des charpentes : les différentes "pathologies" dues à l'humidité trop élevée du bois risquent de nuire à son utilisation. D'où la nécessité de poursuivre la recherche permettant d'optimiser les procédés et donc le coût du séchage. Actuellement le marché français n'est pas en mesure de répondre à l'ensemble des besoins des utilisateurs, ouvrant la voie à la concurrence des pays voisins.
Préséchage et séchage sous vide
L'intervention de Jacques Ducerf (FNB) a porté sur le préséchage des sciages de feuillus comme alternative au séchage naturel, pouvant répondre à la demande du marché. Le préséchage (retrait de l'eau libre, 1ère phase du séchage) consiste à amener le bois, dans des conditions de séchage artificiel, de l'humidité maximale à la saturation des fibres. Un préséchoir (cellule compartimentée comportant batteries de chauffe, ventilateurs, cheminées d'extraction, système de ventilation, régulation) reproduit une humidité et une température idéales pour éliminer l'eau libre, dans des conditions optimales de temps et de qualité. En conclusion, malgré le coût des investissements, le préséchage permet de mieux gérer le cycle d'exploitation (rotation plus rapide des stocks, moins de perte matière).
Un détour par le Canada, avec l'intervention de Forintek (institut de recherche sur les produits du bois au Canada - www.forintek.ca - voir article de mars 2005) sur la place et le développement du séchage sous vide a été suivi par l'intervention du CTBA sur le même thème appliqué à l'hexagone.
Pistes d'innovations
La partie "innovations" a été présentée par Patrick Perré (professeur au laboratoire d'études et de recherches sur le matériau bois, et directeur de l'Ecole nationale du génie rural des eaux et forêts). Après une description des processus de séchage et leurs contraintes, les pistes innovantes présentées préconisaient de jouer soit sur le comportement physique du bois (séchage par vaporisation interne, apport volumique d'énergie), soit sur son comportement mécanique (séchage à transition vitreuse, séchage oscillant). La haute température, inadaptée au feuillu, serait une bonne solution pour le pin. Pour conclure sur ce thème, "la variabilité du bois, la réalité des séchoirs et le manque d'instrumentation ont longtemps cantonné l'amélioration du procédé à une opération empirique. La recherche sur le bois a d'abord permis, récemment seulement, de comprendre les tables des séchage empiriques. Ces connaissances génériques, synthétisées dans les codes de simulation, ont aujourd'hui le potentiel d'aborder le séchage du bois de façon scientifique : ce qui ne garantit pas l'innovation, mais permet d'évaluer et de tester les nouvelles idées beaucoup plus rapidement".
L'intervention sur les chaufferies bois (ADEME / FNB) : maîtrise des coûts du séchage, valorisation des produits connexes, a été suivie de la question des investissements et de la rentabilité d'une installation de séchage (CTBA). Puis les expériences et témoignages de centres de séchage en commun (Le Séchoir du haut pays Nord Pas de Calais, Séchoirs d'Arsac - Aveyron) ont confirmé l'indispensable soutien technique (tel que celui du CTBA) nécessaire pour pratiquer le séchage.
La journée s'est clôturée par une table ronde entre acheteurs et utilisateurs de bois secs (menuiseries) et leurs points de vue et attentes vis-à-vis de leurs fournisseurs.
Sources :
"Le séchage, ça chauffe", par Maurice Chalayer - Le Bois international, 25 juin 2005
Diaporama des interventions du colloque du 7 juin 2005 - CTBA, FNB
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