01/02/2000
Le premier feu de forêt a eu lieu le week-end du 30 janvier dernier à Saint-Aubin-de-Médoc (33)
L’équipe Mediaforest était à Naujac en Gironde le 2 février avec des responsables de l’association de prévention des feux de forêts dans le Sud-Ouest pour parler du vrai risque à terme : celui de l'incendie. En effet, les suites de la tempête du 27 décembre 1999 ne sont qu’un enchaînement de mauvaises nouvelles pour le massif forestier !
Pour toute information : Pierre Macé de la Fédération Girondine de la D.F.C.I. et Messieurs Bruno Lafon et Jean-Marie Billac de l’A.R.D.F.C.I. ardfci@alienor.fr
Un premier bilan tout d'abord avec une perte colossale pour les forêts d’Aquitaine : 27,8 millions de m3 de chablis dont 27,4 millions dans des forêts privées d’après les dernières estimations du Ministère de l'Agriculture. En Gironde, 33% des volumes sont à terre et c’est bien l’impression que l’on éprouve lorsqu’on est sur place : un incroyable capharnaüm ! Et qu'on ne s'y trompe pas : régénération naturelle ou artificielle, résineux ou feuillus, pas de distinction, tout est arraché ! Imaginez le résultat : l'équivalent d'une pile de bois de 5 mètres de haut sur 20 mètres de large et de 300 km de long !
Le problème est que désormais les parcelles sont totalement inaccessibles. Les diverses pistes aménagées permettaient auparavant aux pompiers d’aller au devant du front de feu. Aujourd'hui cette technique qui faisait la force du système d’intervention rapide dans le sud-ouest devient caduque : les pistes sont bloquées par des enchevêtrements d’arbres arrachés. Bien entendu, on essaye de dégager ces pistes notamment grâce à la mobilisation de l’armée. On compte aussi quelques 2800 bénévoles en Gironde. Mais quand on sait que ces derniers ne sont même pas couverts contre les risques corporels par leurs assurances, on constate que le problème reste entier. L'objectif actuellement fixé de réouvrir au moins 18% du réseau des pistes est loin de pouvoir être atteint.
Car le printemps arrive et avec lui le risque d'incendie. En effet, la molinie (plante herbacée) sèche dès la fin de l’hiver et favorise les départs de feux à partir de février, comme on a pu le constater à Saint-Aubin-de-Médoc. Qui plus est, la période critique se situe en mars-avril. Il y a donc urgence compte tenu des millions de m3 de matériaux combustibles au sol interdisant l’accès des pompiers aux parcelles.
Bruno Lafon, président de l'Association Régionale de Défense Contre l'Incendie, parle avec inquiétude du "désengagement des militaires au plus tard le 21 février". Que faire ? Compter avec les bénévoles ni formés ni même assurés ? Bien sûr, les sylviculteurs sont présents et ils ont largement contribué à dégager les communes et les routes. Mais maintenant qu’il s’agit de dégager leurs propres parcelles, ils souhaitent des débouchés pour leurs bois. Or le marché n'existe plus dans le Médoc, certaines scieries disposant désormais de stocks de bois importants. Notons qu'auparavant, les prix étaient passés de 200 F/m3 en Gironde et 260 F/m3 dans le sud des Landes à moins de 100F/m3 pour du bois d'œuvre. Dans le Médoc, les 120000 ha boisés sont peu accessibles par les pompiers. Sur 18000 km de pistes en Gironde, 12000 km sont bouchés. Le système d’intervention rapide et d’aménagement des parcelles patiemment mis en place au cours des 50 dernières années est donc totalement remis en cause !
A peine a-t-on eu le temps d’intégrer les possibles conséquences de cet enchevêtrement des pistes aménagées qu’un nouveau problème est évoqué : l’eau. Le problème n’étant pas qu’elle risque de manquer, mais plutôt qu’elle risque d’être beaucoup trop abondante et cela pour plusieurs raisons :
- en premier lieu, les fossés d’évacuation de l’eau sont complètement obstrués par les arbres brisés. Le niveau d’eau que l’on a pu constater au lendemain de la tempête n’a toujours pas baissé !
- de plus, les pins sont de gros consommateurs d’eau (de 10 jusqu’à près de 50 litres/jour pour certains) mais ils sont à présent déracinés.
- enfin, la forêt permet l’évapotranspiration de l’eau. Or lorsque le couvert des arbres est supprimé, l’eau remonte à la surface et ne s’évapore plus. Ce qui risque de se produire est un quasi-retour aux marécages d’autrefois…
Dans ces conditions, comment débarder et surtout comment les camions de pompiers vont-ils pouvoir intervenir sur les débuts d’incendie ? Bruno Lafon entrevoit un début de solution grâce à la protection aérienne. Il demande des moyens aériens stationnés en Gironde et la mise en place d’un guet aérien armé (hélicoptères et avions pré-équipés de réserves d’eau) afin de circonscrire certains départs de feux. Il espère pouvoir compter sur l’appui des pilotes de l'aéroport de Marignane et sur la solidarité de l’Etat.
L’A.R.D.F.C.I. investit en temps normal 22 Millions de F/an pour la protection des forêts. D'après les premières estimations, il faudrait 900 Millions de F pour remettre en état le massif forestier aquitain. En cascade, beaucoup d'autres incertitudes comme par exemple l'avenir même des structures de prévention des incendies lorsque l’on sait qu’elles fonctionnent grâce aux cotisations volontaires des forestiers (environ 15 F/ha) dont certains sont ruinés.
Espérons enfin qu'une partie du budget communication de 100 Millions de F débloqué par le Ministère du Tourisme pour les départements côtiers touchés par la marée noire servira aussi à informer les touristes de manière à éviter que leurs cigarettes mal éteintes n'aillent enflammer cet été, comme les suivants, les quelques millions de tonnes de combustible à même le sol.
Pour plus d'informations : http://www.dfci-aquitaine.org (Lien externe)
Les autres articles de Février 2000 :
Mon compte